SFjRO Veille bibliographique N°20 - Février 2016

Voici la vingtième édition de notre veille bibliographique!

Dans cette édition, vous retrouverez les résumés suivants :

- Curage électif versus curage thérapeutique dans les cancers N0 de la cavité orale, soumis par Guillaume JANORAY de Tours,

- Radiothérapie stéréotaxique dans le cancer de prostate oligométastatique, soumis par Amina BOUAMAMA de Poitiers,

- Facteurs de risques prédictifs de la mortalité précoce après chimio-radiothérapie des carcinomes bronchiques non à petites cellules, soumis par Waisse WAISSI de Strasbourg,

- Surveillance versus résection chirurgicale après radiochimiothérapie pour les patients atteints d’un cancer du rectum : une analyse de cohorte appariée à l’aide d’un score de propension, soumis par Alexis LEPINOY de Besancon,

- Résultats finaux de l’étude randomisée SCORE-2 comparant un schéma d’irradiation accéléré 4 Gy x 5 au schéma 3 Gy x 10 pour la prise en charge des patients atteints d’une compression médullaire métastatique, soumis par Geoffrey MARTINAGE de Lille

Tous les membres de la SFjRO sont invités à participer à cette veille. Vous pouvez proposer vos résumés à l'adresse contact@sfjro.fr. Pour que votre travail soit accepté, il doit être rédigé en respectant la charte éditée par la SFjRO qui se trouve à cette adresse.

Bonne lecture!

Alexandre

ORL

Elective versus Therapeutic Neck Dissection in Node-Negative Oral Cancer

Curage électif versus curage thérapeutique dans les cancers N0 de la cavité orale

New England Journal of Medicine, Aout 2015

PD'Cruz AK1, Vaish R, Kapre N, et al.

Auteur du résumé : Guillaume JANORAY

Contexte : Déterminer si les patients atteints d’un cancer de la cavité orale à un stade précoce doivent être traités par un curage électif du cou au moment de la chirurgie initiale ou par curage thérapeutique du cou après une rechute ganglionnaire.

Méthodes : Dans cet essai prospectif, contrôlé, randomisé, nous avons évalué l’impact sur la survie du curage électif (curage ipsilatéral au moment de la chirurgie initiale) par rapport à un curage thérapeutique (surveillance puis curage lors de la rechute ganglionnaire) chez les patients avec un carcinome épidermoïde latéralisé de stade T1 ou T2 de la cavité orale. Les objectifs principal et secondaire étaient la survie globale et la survie sans maladie, respectivement.

Résultats : Entre 2004 et 2014, 596 patients ont été inclus. Comme pré-spécifié par le comité de suivi des données et de sécurité, le présent rapport résume les résultats pour les 500 premiers patients (245 dans le groupe curage électif et 255 dans le groupe curage thérapeutique), avec un suivi médian de 39 mois. Il y avait 81 récurrences et 50 décès dans le groupe curage électif et 146 récurrences et 79 décès dans le groupe curage thérapeutique. A 3 ans, un curage électif a entraîné une amélioration du taux de survie globale (80,0% IC à 95%, de 74,1 à 85,8), par rapport au curage thérapeutique (67,5%; IC à 95%, de 61,0 à 73,9), pour un risque relatif de décès de 0,64 dans le groupe curage électif (IC 95%, 0,45 à 0,92; P = 0,01 par le test du log-rank). Les patients du groupe curage électif ont également un taux de survie sans maladie supérieur à ceux dans le groupe curage thérapeutique (69,5% vs 45,9%, P <0,001). Les taux d'événements indésirables ont été de 6,6% et de 3,6% dans le groupe curage électif et dans le groupe curage thérapeutique, respectivement.

Implication pour la pratique clinique / limites : Parmi les patients atteints de cancer épidermoïde de la cavité orale à un stade précoce, un curage électif du cou a donné lieu à des taux plus élevés de survie globale et de survie sans maladie par rapport à un curage thérapeutique du cou.

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PROSTATE

Stereotactic Body Radiotherapy for Oligometastatic Prostate Cancer.

Radiothérapie stéréotaxique dans le cancer de prostate oligométastatique.

International Journal of Radiation Oncology, Jan 2016

Jonathan L. Muldermans, BS, Lindsay B. Romak, MD, Eugene D. Kwon,et al.

Auteur du résumé : Amina BOUAMAMA de Poitiers

Contexte : Jusqu'à présent le caractère symptomatique des métastases de cancer prostatique (CP) posait l'indication d'une prise en charge thérapeutique de ces dernières. Actuellement, plusieurs études se portent sur le rôle potentiel des traitements agressifs ciblant ces métastases dans le cadre de CP oligométastatiques permettant de repousser l'utilisation de traitement systémique (avec les toxicités engendrées) et/ ou d'augmenter la survie globale. Cette étude a pour objectif d'analyser les résultats de l'irradiation stéréotaxique d'oligométastases de cancers de prostate et de déterminer les variables associées à un échec local.

Méthodes : : Cette étude, rétrospective, unicentrique, chez des patients traités d'avril 2009 à janvier 2014 par SBRT, inclus les cancers de prostate confirmé par biopsie , la présence de métastases à l' imagerie, et au moins 3 mois de suivi post SBRT ( dosage PSA et examen d'imagerie).Les critères de jugement principaux sont le contrôle métastatique, la survie sans progression biochimique (PSA), la survie sans progression à distance et la survie globale.Les résultats sont donnés selon la méthode de Kaplan-Meier.

Résultats : 66 patients étaient inclus ,81 lésions métastatiques dont 50 lésions résistantes à la castration. Les lésions étaient osseuses ( n=74), ganglionnaire (n=6) et hépatique (n=1). 71 lésions (88%) ont reçu une fraction unique à une dose moyenne de 16 Gy ( 16-24 Gy). 6 autres lésions ont reçu 30 Gy en 3 fractions et 4 lésions 50 Gy en 5 fractions. Le suivi moyen était de 16 mois (3-49 mois).Le contrôle métastatique était de 82 % à 2 ans. Survie sans progression biochimique, la survie sans progression à distance et la survie globale était de 54 %, 45% et 83% respectivement. En analyse multivariée, seule la dose d'irradiation était significativement associé au contrôle métastatique ( 16 Gy : MC à 2 ans 58 % ) ( > ou = 18 Gy : MC à 2 ans 95% ) ( p<0.001). A 2 ans, les patients traités avec une dose de 18 Gy ( n=21) avaient un MC de 88%. Tous les patients ayant reçu une dose > ou 18 Gy en une seule fraction ou fractionnée, n'avaient d'échec local. Sur le plan de la toxicité , 6 patients (9%) ont présenté des accès douloureux grade 1 et 2 patients grade 2. Pas de toxicité tardive reportée.

Implication pour la pratique clinique / limites : L'irradiation des oligométastases de cancer prostatique par radiothérapie stéréotaxique est une alternative thérapeutique. Si la dose est unique, l'étude montre que l'augmentation de dose influe sur le contrôle métastatique (dose > ou = 18Gy vs 16 Gy) et les résultats cliniques. Mais les limites de l'article sont la courte durée du suivi, le caractère rétrospectif de l'étude et l'évaluation de la survie.Des études sur la relation/ impact de la radiothérapie stéréotaxique et des traitements systémiques des cancers prostatiques oligométastatiques sont à explorer .

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POUMON

Factors associated with early mortality in patients treated with concurrent chemoradiotherapy for locally advanced non-small cell lung cancer.

Facteurs de risques prédictifs de la mortalité précoce après chimio-radiothérapie des carcinomes bronchiques non à petites cellules.

International Journal of Radiation Oncology, Mars 2016

Warner A, Dahele M, Hu B, et al

Auteur du résumé : Waisse WAISSI de Strasbourg

Contexte : Une meta-analyse d’essais randomisés a reporté un bénéfice en survie après chimio-radiothérapie concomitante par rapport à une chimio-radiothérapie séquentielle pour les patients présentant un carcinome bronchique non à petite cellule localement avancée (CBNPC-LA) mais ceci au prix d’une toxicité pulmonaire et oesophagienne. Par ailleurs, certaines études ont reporté une mortalité de 20% à 6 mois dans cette population de patient. Cette étude à chercher à identifier les facteurs de risques de risque de mortalité précoce après chimio-radiothérapie concomitante et ainsi proposer des stratégies de prise en charge personnalisée.

Méthodes : Il s’agit d’une étude rétrospective multi-institutionnelle à partir d’une base de donnée prospective. 1245 patients de 13 institutions ont été analysés et le critère de jugement principal était le décès 180 jours après le début du traitement. La survie globale ainsi que la toxicité oesophagienne et pulmonaire ont été évalué. Les facteurs cliniques et dosimétriques ont été analysé afin de permettre la construction d’un nomogramme prédisant la probabilité de survie à 180 jours.

Résultats : Avec un suivi médian de 43,5 mois, 127 patients (10%) sont décédés dans les 180 jours suivant le début du traitement. L’analyse multivariée a mis en évidence le volume du GTV (OR ≥100 cc: 2.61; IC95: 1.10-6.20, p=0.029) et la VEMS (OR < 80%: 2.53; IC95: 1.09-5.88 
 p=0.030) comme facteur prédictif de survie à 180 jours. Deux groupes présentant des risques distincts ont pu être identifié : un groupe à faible risque de décès dans les 180 jours : GTV <100 cc ou (GTV ≥100 cc et VEMS ≥80%) 
et un groupe à fort risque : GTV ≥100 cc et VEMS <80%, présentant respectivement un taux de survie à 180 jours de 93% et 79% (OR=4,43
 ; 95% CI: 2.07-9.51, p<0.001). D’autres facteurs de risque tel que la stadification ganglionnaire et la dose maximale à l’œsophage ont été pris en compte et ont permis de construire un nomogramme.

Implication pour la pratique clinique / limites : La chimio-radiothérapie concomitante des CBNPC-LA reste le traitement de référence pour des patients sélectionnés compte tenu du risque de mortalité précoce (10% à 180 jours). Cette étude a permis d’identifier un sous-groupe de patients à plus haut risque de décès précoce (21% à 180 jours) à partir de 2 critères (le volume du GTV et la VEMS pré-traitement). Cependant, cette étude présente des limites liées à l’analyse rétrospective des données, mais aussi à l’absence de prise en compte d’un certain nombre de données cliniques (co-morbidités cardiovasculaire et pulmonaire). De même, les causes des décès précoces ne sont pas explicitées par les auteurs. En attendant la validation de ces critères dans des études prospectives, l’utilisation du nomogramme proposé par les auteurs pourrait permettre aux cliniciens d’évaluer le pronostic à court terme du patient et de lui proposer un traitement personnalisé.

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RECTUM

Watch-and wait approach versus surgical resection after chemoradiotherapy for patients with rectal cancer (the OnCoRe project): a propensity-score matched cohort analysis.

Surveillance versus résection chirurgicale après radiochimiothérapie pour les patients atteints d’un cancer du rectum : une analyse de cohorte appariée à l’aide d’un score de propension.

Lancet Oncol, Fev 2016

Renehan A.G, Malcomson L, Emsley R, et al.

Auteur du résumé : Alexis LEPINOY de Besancon

Contexte : L’induction d'une réponse complète clinique avec la radiochimiothérapie d’une surveillance via une approche « watch and wait » a émergé comme une option de traitements des patients atteints de cancer du rectum. Les auteurs ont cherché à démontrer la sécurité de l'approche « watch and wait » en comparant les résultats oncologiques entre les patients en réponse complète surveillés et ceux qui ont subi une résection chirurgicale (traitement standard).

Méthodes : Il s’agit d’une étude de cohorte multicentrique qui a inclus des patients de tout âge diagnostiqués avec un adénocarcinome rectal sans métastases qui ont reçu une radiochimiothérapie préopératoire (45Gy/25f en association avec du 5FU) dans un centre de Manchester entre Janvier 2011 et Avril 2013. Les patients qui avaient une réponse clinique complète ont été surveillés alors que les patients en réponse partielle ont subit une résection chirurgicale lorsqu’ils y étaient éligibles. Ont été inclus secondairement des patients en réponse clinique complète entre Mars 2005 et Janvier 2015 de trois autres centres régionaux britanniques, dont les détails ont été obtenus à partir d’un registre. Le critère principal était la survie sans récidive locale déterminée à partir de la date à laquelle la radiochimiothérapie a été débuté, et les critères secondaires étaient la survie globale et la survie sans colostomie.

Résultats : Deux cents cinquante neuf patients ont été inclus dans le centre de Manchester, 228 d'entre eux a subi une résection chirurgicale et 31 d'entre eux avaient une réponse clinique complète surveillée. Quatre ving dix huit patients supplémentaires ont été rajoutés au groupe « watch and wait » par l'intermédiaire du registre. Sur les 129 patients surveillés (suivi médian de 33 mois [IQR 19-43]), 44 (34%) ont rechuté localement (taux actuariel à 3 ans de 38% [IC 95% 30-48]); 36 (88%) et 41 d’entre eux, non métastatiques, ont été récupérés. Dans les analyses appariées (109 patients dans chaque groupe de traitement), aucune différence sur survie sans récidive locale à 3 ans n'a été notée entre la surveillance et la résection chirurgicale (88% [IC 95% 75-94] avec la surveillance vs 78% [63-87] avec résection chirurgicale; variant dans le temps p = 0,043). De même, aucune différence en terme de survie globale à 3 ans n’a été noté (96% [88-98] vs 87% [77-93]; p = 0,024). En revanche, les patients surveillés ont eu significativement une meilleure survie sans colostomie à 3 ans que ceux qui ont eu une résection chirurgicale (74% [IC 95% 64-82] vs 47% [37-57]; HR 0,445 [95% CI 0 · 31-0 · 63; p <0,0001), avec une réduction du risque absolue de 26% (95% CI 13-39) de colostomie permanente à 3 ans entre les groupes de traitement.

Implication pour la pratique clinique / limites : Une proportion importante de patients atteints de cancer du rectum en réponse complète et surveillé a évité une chirurgie majeure associée à une colostomie permanente sans perte de chance oncologique à 3 ans. Ces résultats devraient éclairer la prise de décision à l’initiation lorsqu’une radiochimiothérapie est retenue pour un cancer du rectum.

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PALLIATIF

Radiotherapy With 4 Gy 3 5 Versus 3 Gy 3 10 for Metastatic Epidural Spinal Cord Compression: Final Results of the SCORE-2 Trial (ARO 2009/01).

Résultats finaux de l’étude randomisée SCORE-2 comparant un schéma d’irradiation accéléré 4 Gy x 5 au schéma 3 Gy x 10 pour la prise en charge des patients atteints d’une compression médullaire métastatique

JCO, Jan 2016

Rades D, Segedin B, Conde-Moreno J, et al.

Auteur du résumé : Geoffrey MARTINAGE de Lille

Contexte : 10 % des adultes atteints de cancer métastatique développent une compression médullaire métastatique (CMM) et seulement 10 à 15 % de ces patients sont éligibles à un traitement chirurgical (bon état général, pronostic favorable, CM localisée, tumeur solide).

Matériel et méthodes : 203 patients atteints d’une CMM de pronostic sombre à intermédiaire ont été randomisés pour recevoir une radiothérapie 4 Gy x 5 en une semaine (n=101) ou 3 Gy x 10 en 2 semaines. Les patients présentant d’autres troubles neurologiques sévères, notamment des lésions cérébrales, n’étaient pas inclus. Le volume de traitement comprenait les vertèbres sus et sous jacentes. Les patients étaient stratifiés selon le statut ambulatoire, le délai d’apparition du déficit moteur et la nature de la tumeur primitive. Les données de 155 patients ont été analysées. Le critère de jugement principal était la réponse globale motrice (RGM) à 1 mois défini comme une amélioration ou une stabilité du déficit moteur. Il s ‘agit d’une étude de non infériorité avec analyse en intention de traiter et tolérant une marge de différence de 15%. Les critères de jugement secondaire étaient le statut ambulatoire (SA), la survie sans progression locale (SSPL) (délai jusqu’à majoration du déficit ou jusqu’à récidive dans le champ de traitement) et la survie globale (SG). Ces critères ont été analysés à 0, 1, 3 et 6 mois de la fin de la radiothérapie.

Résultats : A 1 mois, le taux de RGM n’était pas significativement différent: 87,2% dans le groupe 4 Gy x 5 contre 89,6% dans le groupe 3 Gy x 10 (p=.73). Il n’y avait pas non plus de différence à 3 mois et 6 mois. A 1 mois, le SA était amélioré de 38,5% contre 44,2% et dégradé de 12,8% contre 10,4% respectivement (p=.44). Le taux de patient ambulatoire à 1 mois était de 71,8% contre 74,0% respectivement (p=.86). A 3 et 6 mois les résultats ne sont pas non plus significativement différents. La SSPL à 6 mois était de 75,2% après 4 Gy x 5 contre 81,8% après 3 Gy x 10 (p=.51). Le taux de SG à 6 mois était de 42,3% contre 37,8% (p=.68) resceptivement. Les profils de toxicités étaient identiques dans les deux groupes.

Implication pour la pratique clinique / limites : Le schéma d’irradiation 4 Gy x 5 n’est pas inférieur, dans cette étude, au schéma 3 Gy x 10 en préservant la RGM, le SA, la SSPL et la SG chez les patients présentant une CMM avec pronostic intermédiaire à sombre. Cette étude randomisée est la première comparant ces 2 schémas d’irradiation et est la 4ème étude randomisée démontrant que les schémas accélérés ne sont pas inférieurs pour prendre en charge les compressions médullaires.

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