SFjRO Veille bibliographique N°19 - Décembre 2015

Voici la dix-neuvième édition de notre veille bibliographique!

Dans cette édition, vous retrouverez les résumés suivants :

- Radio chimiothérapie à haute dose puis surveillance rapprochée pour les cancers du tiers inferieur du rectum : Etude observationnelle prospective, soumis par Paul Lesueur de Caen,

- Corticothérapie par dexamethasone en prévention de l’exacerbation douloureuse aigue après radiothérapie palliative de métastases osseuses: essai de phase III randomisé contrôlé en double aveugle, soumis par Kim Cao de Paris,

- Chimiothérapie d’induction suivi de radio-chimiothérapie concomitante versus radio-chimiothérapie exclusive dans le traitement des carcinomes épidermoïdes localement avancés de la tête et du cou : Méta-analyse des essais randomisés, soumis par Guillaume Janoray de Tours,

- Résultats du traitement des carcinomes hépatocellulaires par radiothérapie stéréotaxique ou après ablation par radiofréquence, soumis par Sarah Garcia Molina de Poitiers,

-Etude rétrospective révélant une amélioration de la survie globale lors de l’escalade de dose pour la prise en charge des cholangiocarcinomes inopérables, soumis par Geoffrey Martinage de Lille

Tous les membres de la SFjRO sont invités à participer à cette veille. Vous pouvez proposer vos résumés à l'adresse contact@sfjro.fr. Pour que votre travail soit accepté, il doit être rédigé en respectant la charte éditée par la SFjRO qui se trouve à cette adresse.

Bonne lecture!

Alexandre

Dig

High Dose Chemo-radiotherapy and watchful waiting for distal rectal cancer: A prospective observational study

Radio chimiothérapie à haute dose puis surveillance rapprochée pour les cancers du tiers inferieur du rectum : Etude observationnelle prospective

Lancet Oncology, Juillet 2015

AL Applet et al

Auteur du résumé : Paul Lesueur

Contexte : En dehors des tumeurs de petite taille, l’amputation abdomino-périnéale (AAP) précédée d’une radio chimiothérapie neoadjuvante constitue le standard de prise en charge des adénocarcinomes du tiers inferieur du rectum. Apres radio chimiothérapie, une partie des patient traités peut se retrouver en réponse complète histologique. Il est alors licite de se demander, si ces excellents répondeurs pourraient bénéficier d’une surveillance rapprochée et éventuellement d’une chirurgie de rattrapage, plus que d’une AAP d’emblée.

Méthodes : Les patients présentant une tumeur développée au dépend des 6cm distaux du rectum, classée T2T3, N0-N1, pour lesquels étaient prévus une AAP ou protectomie ultra basse étaient incluables. Une radiothérapie externe avec modulation d’intensité délivrait 60Gy en 30 fractions de 2Gy sur la tumeur et 50Gy en 30 fractions de 1,66Gy dans le volume ganglionnaire par une technique de boost concomitant. Enfin, une séance de curiethérapie endorectal de 5Gy était ajoutée la dernière semaine. Les patients recevaient du 5FU par voie veineuse quotidiennement. La réponse tumorale était évaluée par IRM et biopsies systématiques à 6 semaines de la fin de la radiothérapie. Les patients en réponse complète, inclus dans le bras surveillance, bénéficiaient de PET-TDM et fibroscopie régulière. Le critère de jugement principal était le taux de récidive local à 1 an.

Résultats : L’essai a été fermé prématurément par défaut d’inclusion après avoir inclus 55 patients entre 2009 et 2013. Sur les 40 patients en réponse complète, après un suivi médian de 23,4 mois, le taux de récidive local à 1 an était de 15,5% ( 95% CI 3,3- 26,3) et 25,9% à 2 an ( 95% CI 9,4- 42,8). Le délai médian de survenue de la récidive locale était de 10,4 mois. Apres 2 ans, on ne notait plus de récidive locale. Dans les 9 cas de récidive, tous ont pu bénéficier d’une chirurgie pelvienne de rattrapage. Cinquante huit pourcents des patients traités par radio chimiothérapie seule avaient un contrôle local à 2 ans. La fonction sphinctérienne à 2 ans restait conservée avec 69% de patients ne rapportant pas d’incontinence. La toxicité tardive la plus fréquente était les rectorragies avec un taux de 6% à 2 ans de grade 3.

Implication pour la pratique clinique / limites : En cas de réponse complète, ce schéma thérapeutique, offre des résultats satisfaisant tant en terme de contrôle locale que de toxicité. Au vu du taux de rectorragies, le boost par curiethérapie ne semble pas être la meilleure solution dosimétrique, et une étude prospective évaluant un boost par radiotherapie externe est en cours. Le faible nombre d’inclusion, la durée médiane de suivi courte, et le schéma de chimiothérapie loin d’être le plus usité sont les principaux points faibles de cette étude. Tout comme les séries d’Habr-Gama, cette étude, peut constituer un argument pour proposer une « surveillance active » pour des patients sélectionnées et très compliant, réticents à l’amputation abdomino périnéale.

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Os

Dexamethasone in the prophylaxis of radiation-induced pain flare after palliative radiotherapy for bone metastases: a double-blind, randomised placebo-controlled, phase 3 trial

Corticothérapie par dexamethasone en prévention de l’exacerbation douloureuse aigue après radiothérapie palliative de métastases osseuses: essai de phase III randomisé contrôlé en double aveugle

Lancet Oncology, Nov 2015

Chow E, Meyer RM, Ding K, et al

Auteur du résumé : Kim Cao

Contexte : Il s’agissait d’un essai de phase III de supériorité, multicentrique canadien randomisé contre placebo en double aveugle. Les adultes avec un KPS > 40 avec métastases osseuses douloureuses issus de cancers primitifs solides étaient inclus (hémopathies malignes exclues). Les principaux critères d’exclusion étaient : corticothérapie < 7 jours, sites métastatiques osseux préalablement irradiés, contre-indications à la corticothérapie. Les patients inclus, présentant ≤2 sites cibles à irradier, étaient randomisés après stratification (nombre de site irradié, score d’intensité douloureuse maximale initiale (BPI, Brief Pain inventory), cancer primitif) de manière centralisée (1 :1) dans le bras dexaméthasone (2 x 4 mg) ou dans le bras placebo. La corticothérapie était administrée 1 heure avant la séance de radiothérapie (8 Gy, dose unique) puis quotidiennement les 3 jours suivants. Le critère principal de jugement était l’incidence de recrudescence douloureuse par patient, dans les 10 jours suivant l’irradiation. Cet évènement était défini soit par une augmentation du score BPI maximal ≥ 2 points sans diminution de la posologie d’antalgiques, soit par une augmentation posologique d’antalgiques ≥ 25% sans réduction du score BPI maximal, avec un retour au baseline après 10 jours. La qualité de vie était évaluée en baseline, à J10 et à J42 via les questionnaires EORTC QLQ-C15-PAL, EORTC QLQ-BM22, DSQ (Dexamethasone Symptom Questionnaire).

Méthodes : Entre mai 2011 et décembre 2014, 298 patients ont été inclus : 148 dans le bras dexamethasone et 150 dans le bras placebo. 78% des patients avaient un seul site irradié. Le taux de recrudescence douloureuse dans les 10 jours suivant la radiothérapie était de 26% dans le bras dexamethasone versus 35% dans le bras placebo (p = 0,05). En termes d’efficacité antalgique, la réduction médiane du score BPI n’était pas différente entre les deux groupes à J10. En termes de qualité de vie, la seule différence entre les deux groupes était observée à J10 (84% de taux de réponse) avec une diminution significative des nausées, une augmentation de l’appétit et une amélioration fonctionnelle dans le groupe dexamethasone par rapport au groupe placebo, sans effet secondaire cortico-induit aigu grave hormis un cas d’hyperglycémie grade 4 asymptomatique.

Résultats : Il s’agit de la première étude de phase III randomisée évaluant l’intérêt de la corticothérapie systématique en prévention de l’exacerbation douloureuse après radiothérapie palliative pour les métastases osseuses. Les résultats montrent un intérêt symptomatique de la dexamethasone 8 mg/jour pendant 3 jours dans le cas d’un protocole avec irradiation unique à 8 Gy sur des métastases osseuses de localisations diverses.

Implication pour la pratique clinique / limites : Le différentiel obtenu avec le groupe placebo est discutable avec un impact transitoire et limité sur la qualité de vie : l’administration systématique d’une corticothérapie prophylactique comme recommandée par cette étude est à pondérer selon le terrain de chaque patient.

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ORL

Induction chemotherapy followed by concurrent radio-chemotherapy versus concurrent radio-chemotherapy alone as treatment of locally advanced squamous cell carcinoma of the head and neck (HNSCC) : A meta-analysis of randomized trials

Chimiothérapie d’induction suivi de radio-chimiothérapie concomitante versus radio-chimiothérapie exclusive dans le traitement des carcinomes épidermoïdes localement avancés de la tête et du cou : Méta-analyse des essais randomisés.

Radiotherapy and Oncology, Nov 2015

Wilfried Budach, Edwin Bölke, Kai Kammers et al

Auteur du résumé : Guillaume Janoray

Contexte : La chimiothérapie d’induction selon le schéma TPF (Docetaxel, Cisplatine, 5-FU) avant radiothérapie ou radio-chimiothérapie a montré une augmentation de la survie par rapport à une chimiothérapie d’induction de type PF dans les carcinomes épidermoïdes localement avancés de la tête et du cou. La place de la chimiothérapie d’induction par rapport à la radio-chimiothérapie exclusive est toujours débattue. Récemment, les résultats de 5 essais randomisés traitant cette problématique ont été publiés.

Méthodes : 1022 patients avec un carcinome épidermoïdes localement avancé de la tête et du cou ont été randomisés pour recevoir soit une chimiothérapie d’induction par TPF suivie d’une radio-chimiothérapie soit une radio-chimiothérapie exclusive. La chimiothérapie concomitante était à base de Cisplatine ou de Taxanes. Il y avait 51.3% de tumeurs de l’oropharynx, 7.3% de l’hypopharynx, 18.7% du larynx, 19.4% de tumeurs de la cavité buccale et 3.5% de localisation autre. Cette méta-analyse a été réalisée à partir des données publiées et extraites des courbes de survie globale et de survie sans progression. L’estimation de la survie globale et sans récidive a été réalisée en utilisant un modèle d’effets aléatoires basé sur les hasards ratios estimés selon le modèle de Cox et leurs déviations standards.

Résultats : la chimiothérapie d’induction par TPF avant une radio-chimiothérapie concomitante n’apporte pas de bénéfice statistiquement significatif de survie globale (HR : 1,010 ; IC 95% : 0,84-1,21 ; p = 0,92) ou de survie sans progression (HR : 0,91 ; IC 95% : 0,75-1,1 ; p = 0,32).

Implication pour la pratique clinique / limites : la chimiothérapie d’induction par TPF avant radio-chimiothérapie n’améliore pas la survie globale ni la survie sans récidive chez les patients atteints de carcinome épidermoïde localement avancé de la tête et du cou. les auteurs ne parviennent pas à mettre en évidence un effet statistiquement significatif de la chimiothérapie d’induction par TPF avant radio-chimiothérapie, probablement en raison des nombreux biais de cette méta-analyse. 5 études ont été sélectionnées avec des designs différents ne répondant pas tous à la même question. 2 études ne comportent que 2 cycles de TPF, 1 étude compare 3 chimiothérapies différentes en concomitant de la radiothérapie et 1 étude compare la chimiothérapie d’induction par 3 cycles de TPF à une radiothérapie exclusive associée à une chimiothérapie concomitante par cisplatine/5-FU. Seule une étude compare spécifiquement une chimiothérapie d’induction par 3 cycles de TPF ou 3 cycles de PF suivi d’une radio-chimiothérapie par cisplatine à une radio-chimiothérapie exclusive par cisplatine et avait comme objectif principal la survie sans recidive. Cette méta-analyse a été réalisée à partir des données publiées et extraites des courbes de survie et non à partir des données individuelles, ce qui crée un biais important. L’ensemble des biais de cette étude ne permet pas de conclure sur l’intérêt ou non de la chimiothérapie d’induction par TPF dans la prise en charge des carcinomes épidermoïdes localement avancé de la tête et du cou.

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CHC

Outcomes after stereotactic body radiotherapy or radiofrequency ablation for hepatocellular carcinoma

Résultats du traitement des carcinomes hépatocellulaires par radiothérapie stéréotaxique ou après ablation par radiofréquence

J Clin Oncol, Nov 2015

Wahl, Stenmark, Tao et al

Auteur du résumé : Sarah Garcia Molina

Contexte : L’objectif de cette étude est de comparer la radiothérapie stéréotaxique (SBRT) et l’ablation par radiofréquence (RFA) dans le traitement des carcinomes hépatocellulaires (CHC) inopérables et non métastatique.

Méthodes : Cette étude monocentrique a inclus entre 2004 et 2012, 224 patients traités soit par RFA (249 tumeurs chez 161 patients) soit par SBRT (83 tumeurs chez 63 patients). La radiothérapie était délivrée en 3 ou 5 fractions, 2 à 3 fois par semaine, avec une dose médiane de 30 ou 50 Gy (Dose de prescription sur l’isodose couvrant 99,5% du PTV). La dose équivalente biologique était de 100 Gy. La survie sans récidive locale et la toxicité ont été analysées rétrospectivement.

Résultats : Les patients du groupe SBRT avaient un score de Child-Pugh plus faible (p<0,001) et un taux d’alphafoetoprotéine plus élevé (p=0,04) que ceux du groupe RFA. La SBRT n’était le plus souvent pas le traitement de première intention : le taux de traitement antérieur était plus important que celui du groupe RFA (2 versus 0, p<0,001). La taille tumorale médiane était comparable dans les 2 groupes (1,8 pour RFA versus 2,2 cm pour SBRT p=0,14). La survie sans récidive à 1 an et 2 ans étaient respectivement de 83,6% et 80,2% pour le groupe RFA versus 97,4% et 83,8% pour SBRT. En analyse univariée, seule la taille tumorale était prédictive de récidive locale (HR=1,36 par cm, p=0,029) ; le score de Child-Pugh et le nombre de traitement antérieur n’était pas significativement associés à la récidive. Une taille tumorale ≥2cm était associée à une augmentation de la récidive locale dans le groupe RFA comparativement au groupe SBRT (HR=3,35 p=0,025). Une toxicité aigue ≥ grade 3 était décrite chez 11% des patients traités par RFA (avec 2 décès) et 5% des patients traités par SBRT (p=0,31).

Implication pour la pratique : RFA et SBRT semble d’efficacité comparable pour les CHC inopérables de petite taille (<2cm). Néanmoins, SBRT semble être le traitement à privilégier dans le traitement des CHC de taille ≥2cm. Ces résultats sont à confirmer par des essais randomisés comparatifs incluant un plus grand nombre de patients dans chaque groupe.

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Dig

Ablative Radiotherapy Doses Lead to a Substantial Prolongation of Survival in Patients With Inoperable Intrahepatic Cholangiocarcinoma: A Retrospective Dose Response Analysis.

Etude rétrospective révélant une amélioration de la survie globale lors de l’escalade de dose pour la prise en charge des cholangiocarcinomes inopérables.

JCO, Oct 2015

Randa Tao et al

Auteur du résumé : Geoffrey Martinage

Contexte : La prise en charge des patients atteints d’un cholangiocarcinome (IHCC) localisé inopérable est débattue. Cette étude évalue l’intérêt de l’escalade de dose pour ces patients.

Matériel et méthodes :79 patients traités entre 2002 et 2014 au MD Anderson Cancer Center ont été analysés de manière rétrospective. La taille tumorale médiane était de 7,9 cm (2,2 – 17 cm). 89 % des patients ont reçus un traitement systémique préalable. La dose médiane de prescription était de 58,05 Gy (37 – 100 Gy) en 3 à 30 factions, avec un équivalent biologique médian de 80,5 Gy (43,75 – 180 Gy). Les doses et fractionnements délivrés étaient inhomogènes. Il pouvait être réalisé la technique du Boost intégré.

Résultats : Le suivi médian était de 33 mois (11 – 93 mois). La survie médiane était de 30 mois avec un taux de patients vivant à 3 ans de 44%. La dose est ressortie comme le principal facteur pronostique ; les doses élevés étaient corrélées à une augmentation du taux de contrôle local et de la survie globale. Le taux de vivant à 3 ans chez les patients recevant une Dose Biologique Equivalente (BED) de 80,5 Gy ou plus était de 73% contre 38% pour les autres (p= 0,017). Le taux de contrôle local à 3 ans passe de 45 à 78 % chez les patients recevant une BED > 80,5 Gy (p=0,04) Le contrôle local croit de manière dépendante à la BED. Les auteurs ne déclarent pas de toxicité différente selon la dose déposée.

Implication pour la pratique : L’augmentation de la dose améliore le contrôle local et la survie globale chez les patients atteints d’un IHCC inopérable. Une BED > 80,5 Gy est considérée comme une dose curative pour la plupart des IHCC, avec un taux de survie à long terme comparable à la prise en charge chirurgicale. Cette étude, bien que rétrospective, montre avec la plus grosse cohorte de patients atteint d’un IHCC inopérable, qu’une escalade de dose avec BED > 80,5 Gy améliore la survie globale, et le contrôle local avec des taux comparable à ceux d’une résection.

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